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Le Chant, s’épanouir et grandir (11/09/2015) :

Découvrir le plaisir de jouer avec sa voix pour se libérer de ses inhibitions et dépasser ses limites, puis s’épanouir par le chant pour que la vie devienne

une symphonie de couleurs. La voix devient alors la voie, une ouverture subtile pour entrer en contact avec soi-même et les autres.

Exprimer ses émotions avec sa voix et explorer de nombreux timbres de voix en mimant des différents personnages théâtraux, font découvrir de nouvelles facettes de soi. Ces expériences, abordées de façon ludique, nous rendent plus spontanés et nous permettent de nous adapter plus facilement aux imprévus de la vie. 

Ce que mes élèves découvrent le plus souvent dans le travail vocal, ce sont les progrès dus au fameux « lâcher prise » ; «ça se fait », si j’abandonne mes exigences, mes jugements, mes comparaisons et ma peur de produire des fausses notes. Certains découvrent même, qu’un soi-disant défaut dans la voix peut être un atout  – c’est le regard qui change.

André, 51 ans, craintif, contracté et très cérébral, découvre le « lâcher prise » à travers de nombreux exercices ludiques et théâtraux où le corps et la voix s’expriment d’une manière inhabituelle. Le corps au fur et à mesure s’assouplit, se relâche et laisse place aux émotions et aux « fous rires ». L’horizon des possibles s’élargit. Au fil des séances, le moment le plus émouvant arrive quand André chante « Quand on n’a que l’amour » de Jacques Brel où il découvre le feu de l’amour qui s’exprime par son corps, son regard et sa voix engagée et passionnée. Il me rapporte alors qu’il se sent enfin plus vivant et plus aimant. 

Pour arriver à un tel lâcher prise, j’aborde chaque cours individuel ou collectif par des respirations profondes, qui se transforment dans des sons « aum »ou « ôm » et se poursuivent dans une improvisation libre. Au delà de l’effet relaxant, la respiration profonde et les sons prolongés permettent de se relier à soi-même, de faire un bilan de son état pour être ensuite attentif à ses besoins du moment.

Les phonèmes[1] « aum » ou « ôm » nous aident à retrouver la sérénité et à harmoniser corps, âme et esprit. Ces sons primordiaux et  sacrés nous font entrer dans un champ vibratoire où pensées et émotions laissent place à une paix profonde.

Brigitte, 43 ans, peu sûre d’elle, vient « pour faire sortir sa voix ». Elle aime le chant. Son corps avec quelques kilos de trop la fait souffrir depuis 7 ans et témoigne d’une carapace. Après quelques exercices relaxants et libératoires, nous visitons notre espace intérieur en chantant des « ôm ». Une fois centrée et posée, Brigitte choisit pour sa première séance un beau chant Gospel pour commencer. Nous nous mettons à chantonner et je découvre une petite voix subtile, riche en couleurs et en sensibilité.  Emerveillée, je soupçonne en elle des trésors. Arrive le moment où elle ose chanter seule, accompagnée par les doux sons de la guitare où tout à coup elle fond en larmes. Très émue par ce qui vient d’émerger du fond d’elle-même, elle me confie que ses larmes sont des larmes de soulagement, d’une rencontre profonde avec son « être ». En voyant ses yeux qui brillent et son sourire qui témoigne d’une « renaissance », j’entrevois qu’elle pourra dans l’avenir se considérer avec plus de tendresse dans l’acceptation de qui elle est vraiment : une femme douce, aimante, profonde et joyeuse, habitée par une force de vie étonnante.

Le chant libère les tensions émotionnelles ainsi que les blocages physiques et psychiques et nous fait découvrir des côtés de notre personnalité que nous ignorons.

Martha, 49 ans, chante des comptines à des enfants. Elle me dit être épuisée et qu’elle a perdu depuis des années sa jolie voix chantée. Je découvre surtout quelqu’un de très exigeant avec elle-même, ayant gardé sa voix de petite fille. Lui faisant remarquer sa voix aiguë, elle me parle de son aversion envers des sons graves et de la peur depuis toujours de devenir « une Madame ».

En explorant progressivement des sons graves, elle découvre un accès à des forces et des puissances en elle, qu’elle n’imaginait pas. Elle comprend que son état de fatigue est relié au fait qu’elle atrophie une partie en elle. La « femme – loup » ou la « femme ancestrale [2]» qui a besoin d’exprimer ses émotions, ses pulsions, son feu vivant et son être vibrant. Elle avait bloqué cette belle énergie en elle et s’était affaiblie. En laissant monter ces sons puissants du tréfonds de son être, elle retrouve le contact avec ses instincts, ses pulsions, son intuition et sa force originelle. Après quelques séances, Martha se réconcilie avec sa partie « yang[3] » et elle constate qu’elle peut garder son côté candide malgré une voix profonde et posée.

Pendant les séances, je ne travaille jamais directement sur un blocage ou sur une peur. C’est en les contournant avec des exercices ludiques, simples et profonds qu’une expérience réparatrice peut advenir et la libération se fait par des rires et aussi par des larmes libératrices.

Ce qui est si particulier au chant et aux sons, c’est de les avoir toujours à notre disposition. Un outil gratuit, toujours présent dans les moments de peur pour s’apaiser et retrouver la confiance, des moments de joie pour s’exalter et jubiler et des moments de tristesse pour exprimer son chagrin et même pour chanter sa révolte. 

Je peux me nourrir de mes propres sons, me faire du bien et me remplir de beauté et de lumière. Se nourrir de son propre chant rend plus indépendant. Je puise dans mes richesses intérieures et me comble par mon chant. Chanter pour soi est merveilleux ; nous pouvons également faire l’expérience du chant en groupe, où il s’agit du chant à l’unisson ou à plusieurs voix. Chanter à plusieurs voix élève notre âme vers des buts plus nobles et plus purs.

Au sein de mon atelier « Le Chant Initiatique », nous improvisons à l’aide des divers phonèmes ce qui aboutit naturellement à un chant à plusieurs voix. Chaque cellule du corps se met à chanter et à vibrer. Ces sons purs vibrent en résonance avec des plans de conscience de plus en plus subtils et créent des formes géométriques à l’intérieur de nous.

Le Docteur Jenny à Dornach en Suisse a découvert qu’en posant des particules de limaille de fer et de poudre de liège sur une sorte de grand tambourin, lorsqu’on envoie des fréquences sonores diverses sur cette grande peau tendue, les particules s’organisent en structures géométriques. C’est le son qui crée la forme. 

A la fin de chaque improvisation en groupe suit un silence d’une qualité particulière. Ce silence est habité par quelque chose de plus grand que nous. Nous ne sommes plus dans « le faire » mais dans « l’être ».  Le silence est rempli par une présence dense : il n’y a plus de pensée ni d’émotion, mais un profond respect devant « ce qui est ». La magie du moment présent, par la pleine conscience, se répand alors dans la salle et nous fait expérimenter un autre plan de réalité.

Pour conclure, j’ai envie de vous parler d’une expérience qui a été faite en Inde qui démontre les bienfaits du chant par le biais des mantras[4]. On donnait  le choix à des jeunes délinquants d’aller, soit en prison pour 6 mois, soit de chanter des mantras dans une école mantrique pendant une année. Ils choisissaient naturellement l’école de Mantra. Après un an de travail avec les mantras, la qualité de leur esprit s’est profondément modifiée et ils devenaient plutôt des gentils philosophes que des personnes mal engagées dans leur vie.                                                          

                                                                       Cornelia Lesauvage-Kopp

 

Lexique :

 

[1] Phonème : la plus petite unité de langage parlé

[2] voir le livre : la femme qui court avec les loups de C. Pinlila - Estès

[3]Yang : principe solaire, actif, et masculin en nous (phil. Taoiste)

[4] Mantra : mot sanscrit signifiant protection de la pensée